Le mystère du nom Capharnaüm: pourquoi l’appelle-t-on ainsi?

Lieu qui renferme beaucoup d'objets en désordre

Dans la langue française, certaines expressions ont traversé les siècles et sont encore utilisées aujourd’hui, parfois sans que l’on sache réellement d’où elles proviennent.

L’une d’entre elles est le terme « Capharnaüm », qui désigne un lieu désordonné, encombré ou chaotique.

Mais comment un tel mot est-il entré dans notre vocabulaire et quelles sont les origines de son sens actuel ?

Cet article se propose d’explorer les racines de ce terme, en remontant le fil de l’histoire jusqu’à l’époque biblique, et de comprendre pourquoi il est associé à une image de désordre et de confusion.

Le Capharnaüm biblique : une ville de pêcheurs

Le mot « Capharnaüm » trouve ses origines dans un lieu bien réel : une ville mentionnée à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament de la Bible. Située au bord du lac de Tibériade, en Galilée, cette ville portait le nom de Kafar Nahum, qui signifie « le village de Nahum » en hébreu. Elle était alors un centre important de la pêche, et de nombreux pêcheurs y vivaient et travaillaient. Parmi eux, certains des apôtres de Jésus, tels que Pierre, André, Jacques et Jean.

La ville de Capharnaüm joue un rôle central dans la vie et la prédication de Jésus, qui y a réalisé de nombreux miracles et y a enseigné sa doctrine. Ainsi, on peut y lire dans l’Évangile selon Matthieu (9:1) : « Jésus, étant monté dans une barque, traversa la mer, et alla dans sa ville, Capharnaüm ».

  1. La guérison du serviteur d’un centurion romain (Matthieu 8:5-13)
  2. La résurrection de la fille de Jaïrus, chef de la synagogue (Marc 5:21-43)
  3. La guérison d’un paralytique porté par quatre hommes (Marc 2:1-12)
  4. Le discours sur le pain de vie, prononcé dans la synagogue de Capharnaüm (Jean 6:22-59)

Malgré les miracles et les enseignements de Jésus dans cette ville, les habitants de Capharnaüm ne l’ont pas suivi en grand nombre, ce qui lui a valu une réprimande sévère de la part du Christ (Matthieu 11:23) : « Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu’au ciel ? Non. Tu seras descendue jusqu’au séjour des morts ; car, si les miracles qui ont été faits au milieu de toi l’avaient été dans Sodome, elle subsisterait encore aujourd’hui ».

Le Capharnaüm médiéval : un lieu de débauche et de désordre

Au fil des siècles, la ville de Capharnaüm a perdu de son importance, et son nom a fini par tomber dans l’oubli. Mais comment ce terme a-t-il été réinvesti pour désigner un lieu désordonné et chaotique ? La réponse se trouve dans la littérature médiévale et plus particulièrement dans les sermons des prêtres de l’époque.

  • Les prédicateurs médiévaux utilisaient souvent des exemples tirés de la Bible pour illustrer leurs propos et inciter leurs fidèles à se repentir et à mener une vie pieuse.
  • Le nom de Capharnaüm, en tant que ville qui avait refusé de suivre Jésus malgré les miracles réalisés en son sein, était alors associé à un lieu de péché et de perdition, où régnaient le désordre moral et spirituel.
  • Les sermons mettant en scène un « Capharnaüm » symbolique étaient destinés à effrayer les fidèles et à les inciter à se détourner de la débauche et du chaos.

Ainsi, au fil des siècles, le terme « Capharnaüm » a acquis une connotation négative, associée à l’absence de foi et à la rébellion contre Dieu. Cette évolution sémantique est à l’origine de l’emploi courant de ce mot pour désigner un lieu désordonné et chaotique.

Le Capharnaüm dans la langue française : un héritage littéraire et culturel

Le terme « Capharnaüm » est entré dans la langue française au XVIème siècle, sous l’influence des écrivains de la Renaissance, qui étaient friands de références bibliques et d’expressions imagées. Parmi eux, François Rabelais a largement contribué à la diffusion de cette expression, en l’utilisant à plusieurs reprises dans son œuvre « Gargantua ».

Dans la littérature française du XIXème siècle, les écrivains ont repris ce terme pour évoquer des lieux désordonnés et encombrés. Ainsi, dans « Les Misérables » de Victor Hugo, on peut lire : « Le fourgon des sapeurs-pompiers, pris dans le Capharnaüm de la barricade, avait été contraint de se rendre aux assiégeants ».

De nos jours, l’expression « Capharnaüm » est toujours utilisée pour décrire un lieu en désordre, que ce soit dans la vie quotidienne, la presse ou la littérature. Ce terme est donc le reflet d’un héritage culturel et littéraire qui puise ses racines dans l’histoire biblique et qui témoigne de la richesse et de la diversité du lexique français.

Le Capharnaüm à travers les arts : une symbolique universelle

Le Capharnaüm a inspiré de nombreux artistes, qui ont su capter et retranscrire l’atmosphère de désordre et de chaos associée à ce terme. Ainsi, on peut retrouver cette notion de Capharnaüm dans différentes formes d’art, témoignant de son influence et de sa portée universelle.

En peinture, des artistes comme Jérôme Bosch ou Pieter Brueghel l’Ancien ont représenté des scènes de désordre et de confusion, où les personnages et les objets s’entremêlent dans un enchevêtrement indescriptible. Ces œuvres, souvent allégoriques, illustrent la déchéance de l’humanité et la tentation du péché, en faisant écho à la symbolique du Capharnaüm.

Dans le domaine du cinéma, plusieurs réalisateurs ont exploré cette idée de désordre et de chaos, en mettant en scène des lieux encombrés et chaotiques. Par exemple, le film « Brazil » de Terry Gilliam dépeint un univers dystopique où la bureaucratie et la technologie s’entassent dans un Capharnaüm oppressant, tandis que « L’écume des jours » de Michel Gondry illustre un monde où les objets et les décors s’accumulent et se superposent, créant un véritable labyrinthe visuel.

Enfin, en musique, certains compositeurs ont cherché à exprimer le désordre et la confusion à travers leurs œuvres. Ainsi, dans la pièce « Capharnaüm » de Giuseppe Tartini, les différentes voix et instruments s’entrelacent et se confrontent dans une cacophonie maîtrisée, reflétant l’idée de chaos et de désordre qui caractérise le Capharnaüm.

Le Capharnaüm est donc un terme qui a su traverser les siècles et les frontières, en s’imposant comme une référence culturelle et artistique universelle. Il témoigne de la capacité des mots à évoluer et à s’enrichir au gré des époques et des influences, tout en conservant leur essence originelle. Ainsi, le Capharnaüm, au-delà de son sens premier de lieu désordonné et chaotique, incarne une certaine vision du monde, où l’ordre et le désordre s’entremêlent et se côtoient en permanence.

L’histoire du terme « Capharnaüm » illustre parfaitement la richesse et la complexité de la langue française, qui puise son inspiration dans des sources aussi diverses que la Bible, la littérature médiévale ou encore les arts. Son évolution sémantique au fil des siècles témoigne de la capacité des mots à s’adapter et à se réinventer, tout en conservant un lien étroit avec leur origine et leur contexte historique. Ainsi, le Capharnaüm, de la ville biblique de pêcheurs à l’expression courante désignant un lieu en désordre, nous rappelle que les mots sont bien plus que de simples outils de communication : ils sont les témoins vivants de notre histoire et de notre culture.

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Paola Corie

Passionnée par l'astrologie depuis plus de 20 maintenant, je vous propose l'Horoscope gratuit chaque jour.