Pourquoi utilise-t-on l’expression « faire l’âne pour avoir du son » ?

Pourquoi utilise-t-on l'expression "faire l'âne pour avoir du son" ?

Les expressions populaires sont souvent le reflet d’une culture, d’une époque et d’un mode de pensée.

La langue française regorge de ces formules imagées qui, parfois, semblent dénuées de sens si l’on ne connaît pas leur origine ou leur signification.

L’une d’entre elles, « faire l’âne pour avoir du son », est particulièrement intéressante à étudier car elle nous plonge dans l’histoire, la symbolique et le langage.

Cet article se propose donc d’explorer l’origine, le contexte et les différentes utilisations de cette expression, afin de mieux comprendre pourquoi elle a traversé les siècles et continue d’être employée aujourd’hui.

Le contexte historique et culturel de l’expression

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est essentiel de situer l’expression « faire l’âne pour avoir du son » dans son contexte historique et culturel. En effet, les mots et les images qu’elle évoque sont le fruit d’une époque où les animaux jouaient un rôle central dans la vie quotidienne et la pensée des hommes.

L’âne, en particulier, était un animal très présent dans la vie des paysans de l’époque médiévale. Animal de travail par excellence, il était utilisé pour le transport des marchandises, pour tirer les charrettes et pour moudre le grain dans les moulins. D’ailleurs, le mot « son » désigne justement le produit de la mouture du blé, c’est-à-dire la partie grossière de la farine qui est séparée du reste lors du processus de mouture. Il était donc courant de voir des ânes dans les moulins, et ces animaux étaient souvent associés aux notions de travail, de labeur et d’obéissance.

Par ailleurs, l’âne avait une symbolique particulière dans la culture populaire de l’époque. Il était souvent considéré comme un animal stupide et têtu, et cette image a largement influencé les expressions et les proverbes relatifs à cet animal. Ainsi, « faire l’âne pour avoir du son » peut être compris comme « se comporter comme un animal borné et obstiné pour obtenir ce que l’on veut ».

Les racines littéraires de l’expression: La Fontaine et ses fables

Il est indéniable que l’expression « faire l’âne pour avoir du son » puise une partie de son inspiration dans la tradition littéraire française, et plus particulièrement dans le répertoire des fables de Jean de La Fontaine. En effet, ce célèbre fabuliste du XVIIe siècle a souvent mis en scène des animaux pour illustrer les travers de la nature humaine, et l’âne figure parmi les protagonistes récurrents de ses histoires.

  • La Fable « L’Âne et le Chien » : Dans cette fable, l’âne et le chien sont deux animaux domestiques qui vivent sous le même toit. Le chien, en bon serviteur, cherche à se rendre utile et à obéir à son maître, tandis que l’âne, au contraire, fait preuve de maladresse et de bêtise. La morale de cette histoire, qui met en évidence les différences de caractère entre les deux animaux, est la suivante : « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées ». On peut donc voir dans cette fable une première approche de l’idée de « faire l’âne » pour obtenir quelque chose, en l’occurrence l’attention et la reconnaissance du maître.
  • La Fable « Le Meunier, son Fils et l’Âne » : Cette histoire met en scène un meunier, son fils et leur âne, qui doivent se rendre au marché pour vendre leur marchandise. Chacun à leur tour, ils essaient différentes stratégies pour satisfaire les critiques des passants, sans jamais y parvenir. Finalement, ils finissent par attacher l’âne à une perche et le porter à bout de bras, ce qui provoque l’hilarité générale. La morale de cette fable, qui dénonce l’inconstance et le ridicule des opinions humaines, est la suivante : « Ainsi certaines gens, faisant les empressés, / S’exposent pour avoir au plus haut les places, / Et, couverts de lauriers, n’ont pas gagné le prix ». On retrouve ici l’idée de « faire l’âne » pour obtenir un avantage, en l’occurrence l’estime et la considération des autres.

Au-delà des fables de La Fontaine, on peut percevoir des échos de l’expression « faire l’âne pour avoir du son » dans d’autres œuvres littéraires, notamment celles de Molière, qui a souvent mis en scène des personnages rusés et manipulateurs cherchant à tromper leur entourage pour parvenir à leurs fins.

Les différentes interprétations et utilisations de l’expression

Comme souvent avec les expressions populaires, « faire l’âne pour avoir du son » a connu plusieurs évolutions et adaptations au fil des siècles, en fonction des contextes et des préoccupations de l’époque. Voici quelques-unes des interprétations les plus courantes de cette formule :

  1. Faire semblant d’être ignorant ou naïf pour obtenir des informations ou des avantages : Cette interprétation s’appuie sur l’idée que l’âne, en feignant la bêtise, parvient à tromper son entourage et à obtenir ce qu’il souhaite. Dans cette perspective, « faire l’âne pour avoir du son » revient à jouer un rôle pour manipuler les autres et les amener à se dévoiler, à fournir des renseignements ou à accorder des faveurs.
  2. Se montrer patient et persévérant pour atteindre un objectif : Dans cette version de l’expression, l’accent est mis sur la ténacité et l’endurance de l’âne, qui est prêt à endurer les difficultés et les obstacles pour parvenir à ses fins. Ainsi, « faire l’âne pour avoir du son » signifie adopter une attitude de résilience et de détermination face aux épreuves, en gardant en tête son objectif final.
  3. Se comporter de manière humble et modeste pour gagner la sympathie et le respect des autres : Cette interprétation repose sur l’idée que l’âne, en dépit de sa réputation d’animal stupide et obstiné, possède en réalité des qualités de sagesse et de discernement qui lui permettent d’obtenir ce qu’il veut sans avoir recours à la ruse ou à la tromperie. Dans cette optique, « faire l’âne pour avoir du son » consiste à adopter une attitude discrète et effacée, en évitant de se mettre en avant ou de revendiquer des mérites, afin de susciter l’estime et la considération de son entourage.
  4. Utiliser la ruse et la manipulation pour contourner les règles et les contraintes : Cette version de l’expression met en avant la dimension stratégique et calculatrice de l’âne, qui sait tirer parti de sa réputation pour parvenir à ses fins. Ici, « faire l’âne pour avoir du son » signifie exploiter les failles et les faiblesses du système pour obtenir des avantages indus ou pour échapper à ses obligations.

Quelle que soit l’interprétation retenue, l’expression « faire l’âne pour avoir du son » témoigne d’une certaine ruse, d’une capacité à s’adapter aux circonstances et à tirer parti des situations pour atteindre ses objectifs. Elle illustre la complexité et l’ambivalence de la nature humaine, qui cherche souvent à dissimuler ses intentions et à user de stratagèmes pour obtenir ce qu’elle désire.

En somme, l’expression « faire l’âne pour avoir du son » trouve ses racines dans un contexte historique et culturel riche, marqué par la présence omniprésente des animaux dans la vie quotidienne et la pensée des hommes, ainsi que par une tradition littéraire foisonnante qui a largement contribué à forger et à diffuser cette formule. Les différentes interprétations et utilisations de l’expression témoignent de sa souplesse et de sa capacité à s’adapter aux évolutions de la société, tout en conservant une part de mystère et d’ambiguïté qui continue de fasciner et d’intriguer les locuteurs francophones.

Aujourd’hui encore, « faire l’âne pour avoir du son » demeure une expression vivante et pertinente, qui invite à réfléchir sur les différentes facettes de la nature humaine et sur les stratégies que nous employons pour atteindre nos objectifs. Elle rappelle l’importance de prendre en compte le contexte et les nuances des mots et des images que nous utilisons pour exprimer nos idées et nos sentiments, afin de mieux comprendre et apprécier la richesse et la diversité de notre langue.

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Joris

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