Pourquoi utilise-t-on l’expression “soutenir mordicus” en français ?

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L’expression “soutenir mordicus” est couramment employée dans la langue française pour signifier qu’une personne défend avec force et conviction une idée ou un point de vue, parfois même avec une certaine obstination.

Mais d’où vient cette expression, et pourquoi associe-t-on le terme “mordicus” à cette idée de soutenir fermement quelque chose ?

Cet article se propose d’explorer les origines de cette expression, son usage dans la littérature et la langue courante, ainsi que les raisons pour lesquelles elle a perduré dans le temps et continue d’être utilisée aujourd’hui.

Nous verrons comment cette expression s’inscrit dans un contexte plus large de locutions idiomatiques employant des termes latins ou faisant référence à des personnages mythologiques.

L’origine étymologique et historique de l’expression “soutenir mordicus”

Commençons par nous pencher sur l’étymologie du mot “mordicus”, qui est au cœur de cette expression. Ce terme provient du latin mordax, qui signifie “mordant”, “qui mord”, et qui est lui-même dérivé du verbe mordere, “mordre”. Il a donné en français l’adjectif “mordant” et le nom “morsure”.

Le latin mordax a été utilisé pour qualifier une personne au caractère vif, incisif, voire caustique. Ainsi, on retrouve le mot “mordicus” dans la littérature latine, notamment chez Cicéron, pour exprimer l’idée d’une affirmation ferme, résolue, et parfois même obstinée. Cette utilisation du terme “mordicus” pour désigner une attitude déterminée, voire entêtée, a été reprise dans la langue française à partir du XVIIe siècle.

Quant à l’expression “soutenir mordicus”, elle apparaît pour la première fois au début du XVIIIe siècle, dans les écrits du célèbre dramaturge français Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. Dans sa comédie “Les Fourberies de Scapin”, il fait dire à l’un de ses personnages : “Je soutiens mordicus que vous ne sauriez vous dispenser d’approuver mon dessein”. Cette première occurrence de l’expression “soutenir mordicus” montre bien qu’elle s’inscrit dans un contexte de défense vigoureuse d’une idée, d’une position, ou d’un projet.

L’usage de l’expression “soutenir mordicus” dans la littérature et la langue courante

Dans la littérature française, l’expression “soutenir mordicus” a été utilisée par de nombreux auteurs, notamment au XIXe siècle, époque où elle était particulièrement en vogue. Parmi les écrivains qui l’ont employée, on peut citer Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Victor Hugo, ou encore Émile Zola. Ces auteurs l’ont utilisée pour décrire des personnages qui défendent avec force et conviction leurs idées, leurs opinions, ou leurs intérêts.

  • Balzac, dans “La Cousine Bette” (1846) : “De là vint la résolution de soutenir mordicus sa suprématie dans la maison de son frère.”
  • Flaubert, dans “Bouvard et Pécuchet” (1881) : “Il soutenait mordicus que les pierres roulées par les torrents étaient des ossements pétrifiés.”
  • Hugo, dans “Les Misérables” (1862) : “Il soutenait mordicus que le grand jour est une plume de paon.”
  • Zola, dans “Au Bonheur des Dames” (1883) : “Il soutenait mordicus que le bon Dieu avait été un méchant ouvrier, de n’avoir pas mis les yeux à nos doigts.”

Aujourd’hui encore, l’expression “soutenir mordicus” est couramment employée dans la langue française, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, pour exprimer l’idée d’une défense ferme et convaincue d’une idée ou d’un point de vue. Elle est souvent associée à une certaine obstination, voire à de l’entêtement, et peut être employée de manière légèrement ironique ou moqueuse pour souligner le caractère inflexible d’une personne dans un débat ou une discussion.

L’expression “soutenir mordicus” dans un contexte plus large de locutions idiomatiques

L’expression “soutenir mordicus” s’inscrit dans un contexte plus large de locutions idiomatiques employant des termes latins ou faisant référence à des personnages mythologiques. Ces expressions, qui sont nombreuses en français, témoignent de l’influence de la culture latine et gréco-romaine sur notre langue et notre patrimoine culturel.

  1. Ad nauseam : “jusqu’à la nausée”, pour exprimer l’idée d’une répétition excessive et lassante de quelque chose.
  2. Deus ex machina : “un dieu sorti de la machine”, pour désigner une intervention providentielle et inattendue qui résout une situation difficile.
  3. Errare humanum est : “l’erreur est humaine”, pour rappeler que tout le monde peut se tromper et que l’erreur fait partie de la condition humaine.
  4. Ex aequo et bono : “selon l’équité et le bon droit”, pour exprimer l’idée de justice et d’équité dans une décision ou un jugement.
  5. Ex nihilo nihil fit : “rien ne naît de rien”, pour souligner l’idée que rien ne peut être créé à partir de rien, et que toute création nécessite un élément préexistant.
  6. Hic et nunc : “ici et maintenant”, pour mettre en avant l’importance de l’instant présent et la nécessité d’agir sans attendre.
  7. In vino veritas : “dans le vin, la vérité”, pour exprimer l’idée que l’alcool peut libérer la parole et révéler les pensées les plus sincères d’une personne.
  8. Manu militari : “par la force militaire”, pour indiquer qu’une action a été accomplie avec violence et autorité, comme l’intervention d’une armée.
  9. Pacta sunt servanda : “les accords doivent être respectés”, pour rappeler l’importance de tenir ses engagements et respecter les contrats conclus.
  10. Sine qua non : “sans quoi pas”, pour exprimer l’idée d’une condition indispensable à la réalisation d’une chose.
  11. Ubi bene, ibi patria : “là où l’on est bien, là est la patrie”, pour signifier que l’on peut se sentir chez soi partout où l’on est bien accueilli et où l’on se sent bien.
  12. Vox populi, vox Dei : “la voix du peuple est la voix de Dieu”, pour exprimer l’idée que la volonté populaire a une valeur supérieure et doit être respectée.

Ces expressions, tout comme “soutenir mordicus”, témoignent de la richesse et de la diversité de la langue française, ainsi que de son héritage culturel et historique. Elles contribuent à enrichir notre expression et à transmettre des concepts et des idées qui traversent les siècles et les frontières.

L’expression “soutenir mordicus” est une locution idiomatique française qui puise ses origines dans la langue latine et la littérature classique. Elle est employée pour décrire une attitude ferme et convaincue, voire obstinée, dans la défense d’une idée, d’un point de vue ou d’un projet. Son usage dans la littérature et la langue courante témoigne de sa pérennité et de sa capacité à traverser les siècles et les modes. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de locutions idiomatiques faisant appel à des termes latins ou à des personnages mythologiques, qui enrichissent notre langue et notre culture et contribuent à la transmission de notre héritage culturel.

La langue française est un trésor qui se nourrit de son histoire, de ses influences et de ses évolutions. Apprendre à connaître et à comprendre des expressions telles que “soutenir mordicus” nous permet de mieux appréhender la richesse et la beauté de notre langue, et de nous approprier un patrimoine culturel commun qui nous unit et nous enrichit.

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Paul S

J'ai toujours été passionné par le web, j'ai découvert internet en 1996 alors que Google n'existait pas encore. Je suis très curieux et j'adore découvrir de nouvelles choses. Je partage mes trouvailles, conseils selon l'humeur du moment.